
Un
violoncelle abandonné dans un coin avait bien
du temps pour réfléchir... Ce qu'il faisait d'ailleurs,
de l'aurore à la nuit tombante, méditant avec entrain
sur ses jeunes années et beaucoup moins ardemment
sur ses vieux jours.

Devant lui
défilaient longuement les succès de la scène
et les joies de l'âme. Plus langoureusement encore se
pavanaient dans son souvenir les multiples réussites
dues à son charme.

C'était
un grand romantique bien sûr de lui,
qu'avait à peine effleuré le doute... En un mot,
un instrument superbe doté d'un coeur princier
qu'il avait peut-être pris à une adresse ancienne et
lointaine, où il était né. Il souffrait cependant
d'un grand mal.

Sa voix
chaude traduisant si bien toutes les émotions
l'avait rendu humain. Alors, comme les hommes,
il ne pouvait se défendre à l'occasion de s'apitoyer
sur lui-même... Et même de pleurer un peu, quand
le silence d'une maison trop calme le prenait à la gorge.

Le
violoncelle, portant dans ses flancs une longue
carrière et des mémoires d'ovation, chose surprenante,
se sentait, au couchant de sa vie,
bien seul dans son coin.

Signé :
Monique Joachim, Montréal
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