Droit au coeur
 

Les gens passent toute leur vie à chercher l'amour. Je n'étais pas différente. Jusqu'à ce qu'un jour, je décide de regarder dans les cages de la fourrière locale. L'amour était là qui m'attendait.

Le vieux chien était considéré comme impossible à adopter. Un mélange chétif de beagle et de terrier, on l'avait ramassé courant sur ses trois pattes le long de la route, affligé d'une hernie, d'une oreille écorchée et avec beaucoup de plombs dans son arrière-train.

Les gens de la société protectrice des animaux l'ont gardé pendant les sept jours habituels, et quelques jours de plus parce qu'il était très doux. Ils ont pensé que si quelqu'un avait déjà payé pour le faire amputer, cette personne le chercherait peut-être. Mais personne ne l'a réclamé.

Il y avait dix jours qu'il était là lorsque je l'ai vu pour la première fois. J'étais passée pour laisser des couvertures à la société et je l'ai aperçu. À travers les barreaux de sa cage, il m'a semblé sympathique et mon coeur a été touché. Je ne pouvais pas amener un autre chien chez moi, j'en avais déjà quatre. Il y a une limite à tout, pensai-je, je ne peux les sauver tous.

En quittant la société, je savais que le chien serait euthanasié si je ne le prenais pas et cela m'a donné un coup de coeur. Je me sentais si impuissante. En passant devant l'église, on affichait le thème du sermon de la semaine. Noël approchait et le thème, très approprié, était : « Y a-t-il encore de la place à l'auberge ? »

Dès lors, j'ai su qu'il y aurait toujours de la place pour un autre, particulièrement si cet autre avait besoin de mon amour.

Le lendemain, dès l'ouverture de la société, leur téléphone sonna : « Je viens chercher le vieux chien. Gardez-le moi », leur dis-je.

Je m'y suis rendue à toute vitesse. Dès que je l'ai réclamé, il m'a donné son coeur.

Je ne crois pas qu'il y ait une expérience qui soit plus émouvante que de sauver un chien. Les chiens sont des créatures aimantes. Lorsqu'on y ajoute le soulagement et la gratitude, il en résulte une véritable dévotion. Ce lien apporte une satisfaction que je n'échangerais jamais pour tous les chiots du monde.

Je l'ai nommé Tugs ( serrement ) parce qu'il m'avait serré le coeur, et j'ai fait tout en mon pouvoir pour lui donner une vie heureuse. En retour, Tugs a donné un sens nouveau au mot adoration. Où que j'aille, il voulait être avec moi. Il ne me quittait jamais des yeux et dès que je regardais en sa direction, son corps tremblait de joie. Malgré ses handicaps et sa santé chancelante, sa soif de vivre était remarquable. Tous les soirs, sans exception, il m'accueillait à la porte, les yeux brillants, et sa queue fouettait l'air d'excitation.

Nous avons vécu ensemble pendant un peu plus d'un an. Pendant tout ce temps, j'ai senti un courant d'amour silencieux, fort, constant et profond qui passait de lui à moi. Quand est venu le temps de demander au vétérinaire de mettre fin à ses souffrances, j'ai tenu sa tête dans mes mains, mes larmes coulant sur son vieux museau, et je l'ai regardé s'endormir doucement. Malgré ma tristesse, je lui étais reconnaissante de son don d'amour.

Pour ceux qui n'ont jamais vécu une telle expérience avec une bête, il n'y a pas de mots pour la décrire adéquatement. Par contre, si vous avez aimé un animal de cette façon et qu'il vous l'a rendu, il n'y a rien à ajouter. Certaines personnes comprendront que depuis le départ de Tugs, ma peur de la mort a diminué. Si la mort veut dire retrouver Tugs, alors, qu'elle vienne lorsque le temps sera venu.

Entre-temps, je continue mon travail : je sauve les bêtes abandonnées et je leur trouve un foyer où elles goûteront à l'amour et sèmeront du bonheur en retour.

Souvent, lorsque je regarde vers le ciel et que je vois des nuages s'y promener, je me surprends à envoyer un simple message : Je t'aime, Tugs.

 


Suzan Race

 

 

 

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